Dominique Grimault, en septembre 1978, interviewait pour le compte de France-Foot 2, Jean-Claude Bras, le nouveau président du Red Star.

Cela s'est passé dimanche dernier au stade municipal de Saint-Ouen. Les tribunes étaient désertes, ou presque. On jouait pourtant au football. Bien sûr l'affiche n'était pas très spectaculaire, mais enfin c'était le premier match de la saison en Division d'Honneur et surtout le premier dans l'histoire de l'A.S. Red Star qui a gagné 4-2 contre le C.A. Mantes. Ne pas confondre avec le Red Star Football Club mort l'été dernier sans chants d'honneur. A la tête de ce nouveau Red Star un homme pas comme les autres en ce sens qu'il en fait comme dix si ce n'est onze : Jean-Claude Bras. Le voilà président, animateur, bateleur, agent de publicité et avant-centre !

Faut-il désormais vous appeler Président ?
Non mais … vous voulez rire ! Je n'ai pas changé.

Tout de même vous vous êtes élevé dans la hiérarchie du football ?
Peut-être, mais mon cœur et ma tête sont restés à la même place. Je suis un homme très simple.

… Et très occupé ?
Ca oui … Mais c'est ma philosophie de la vie, il faut que je bouge, il faut que je sois en action, toujours. Il y a trois ans, j'ai créé deux sociétés de bâtiment, la "Scret" et la "Score". Pour cette dernière, je me suis associé avec William Halacz, un ami … On avait joué ensemble dans l'équipe de Paris Cadet. Par ailleurs, j'ai deux fromageries dont ma femme Juana s'occupe. Enfin, me voilà président de l'A.S. Red Star.

Ca fait beaucoup non ?
Exact. Je mène une vie de fou. Mais c'est un choix délibéré. J'adore me fixer des obligations. Pendant trois ans je vais dormir d'un œil, cinq heures par nuit.

Dites, peut-on parler calmement ?
Essayons … Mais je ne promets rien. Mes journées sont exténuantes …

D'abord, comment êtes-vous arrivé à la tête de l'A.S. Red Star ?
C'est très compliqué … Je vais tâcher de résumer.

Oh oui …
Bon, et bien le 20 juillet dernier le Tribunal de Bobigny a décidé de mettre le Red Star Football Club régi par la loi de 1901 en liquidation de biens. Tout le monde était désemparé. La situation était inextricable sur le plan juridique. Côté sportif ce n'était pas mieux. Tous les joueurs voulaient partir. La Municipalité de Saint-Ouen avait rejeté le projet de société d'économie mixte. Elle s'était déjà trop mouillée financièrement par le passé. Le professionnalisme avait cessé de vivre à Saint-Ouen. Il s'en suivit alors une panique générale. Un dimanche soir enfin, un vieux supporter du Red star M. Ricard, est venu me voir avec sa cravate au couleur du club. Il pleurait. Ca m'a touché. Je l'avais toujours pris pour un vieux emmerdeur. Non, c'était un type extra ! Il m'a dit : "Jean-Claude, faites quelque chose je vous en supplie …"
Alors dans ma tête ça a fait tilt … Tout de suite je téléphonai à Jacques Bertrand. J'avais besoin de son soutien juridique. Dès le lendemain 70 personnes se réunissaient au stade. Une vraie marmite. A une heure du matin l'A.S. Red Star était née !

Et vous étiez président ?
Non vice-président seulement. Le président de l'époque s'appelait Claude Gontier. Lui aussi est un grand homme.

Mais pourquoi vous a-t-il laissé la place ?
Trop de travail. Claude Gontier eut l'honnêteté de reconnaître qu'il n'était pas suffisamment disponible pour tenir ce poste. Il a présenté sa démission voilà trois semaines environ.

Votre nomination est donc récente …
Oui, mais dès le mois de juillet j'avais pris l'affaire en mains, aidé par Victor Calaresu, vice-président, et par d'autres amis extraordinaires comme Antoine Dalla Cieca. Celui-ci a été jusqu'au bout avec nous. Malheureusement nous n'avons pas pu le retenir. Sur le marché du football, Antoine est trop coté, trop cher … Mais je n'oublierai jamais combien il fut efficace dans les premiers jours de l'existence de l'A.S. Red Star. Grâce à lui on a pu stopper l'hémorragie et remotiver les mômes du club. Pensez que nous avons récupéré 22 équipes de l'ancien Red Star, ce qui représente 450 joueurs.

Pourquoi avez-vous choisi de repartir en Division d'Honneur ?
Pas moyen de faire autrement. J'aurais voulu que l'A.S. Red Star débute en Division III. Le président Sastre a refusé. Tant pis pour nous, nous contenterons de la D.H.

Quels sont vos objectifs ?
Il faut que l'A.S. Red Star soit un club tendu vers le haut. Ce sera un club à l'éthique par vocation. Dans le meilleur cas, nous serons en Division II en 1982.

Optimiste ?
Bien sûr, même si notre aventure comporte quelques risques.

Lesquels ?
Il est sûr que le syndic va essayer de nous faire des misères, va vouloir récupérer un maximum d'argent … Mais nous sommes prêts à encaisser tous les coups.

Vous, vous avez quelque chose derrière la tête ?
Disons que j'ai des idées pour animer ce club. Par exemple, je voudrais l'ouvrir sur Paris. Plus question que le Red Star vive sur lui-même. Il faut créer ou plutôt recréer des relations. L'idéal c'est que le club puisse tourner. Que le budget soit bouclé sans tenir compte des recettes guichets. Voilà la solution : monter des sociétés annexes qui oeuvreront pour le Red Star. Mon truc à moi, c'est le club privé, le type du club anglais à vocations sportives. Bref, une sorte de Rotary Club. Imaginez un endroit dans Paris, de préférence dans les beaux quartiers … Des gars s'y rencontreraient, traiteraient des affaires et les bénéfices iraient vers le Red star … Bien sûr ça peut capoter … On peut se casser la gueule. Mais qui ne risque rien n'a rien …

Qu'est-ce qui vous fait courir ainsi ?
C'est dans ma nature, je le répète, de secouer le cocotier. pourtant je ne me considère pas comme un phénomène. Guy Crescent l'ancien président du Paris F.C. est lui un monstre de travail, de même que Georges Boulogne trop méconnu. A quelques années d'intervalle, tous deux m'ont dit : "Jean-Claude tout est une question d'organisation. Plus on fait, plus on a l'impression de pouvoir en faire …" C'est tellement vrai.

Et c'est pourquoi vous continuez à jouer …?
Oui, car sur le terrain, je me défoule tellement. L'an passé j'ai été victime d'une entorse à un genou. Six mois d'inactivité. Un drame. Je suis monté à 80 kg …

Vous présidez sur le terrain ?
Ah pour ça non. Quand je mets le short je suis un joueur comme un autre. Je suis à la disposition de l'entraîneur et de l'équipe.

Qui est l'entraîneur de l'A.S. Red Star ?
Carlos Monin. Il est bénévole. Mais je lui ai dit de se comporter comme un vrai professionnel. Il n'y a que comme ça que le Red Star deviendra grand.

© AllezRedStar.com 2002

Archives           Jean-Claude Bras, joueur du Red Star           Retour à la page d'accueil