HOMMAGE A RINO DELLA NEGRA
La presse (février 2004)
Lundi 23 février 2004 - Marianne -
LE FOOT ET L’AFFICHE ROUGE : INITERAIRE D’UN AILIER DROIT
A l’heure où une poignée d’hooligans nous ferait presque oublier que le foot peut être porteur d’intégration et d’altruisme, le Red Star, le Red Star, club mythique, rendait hommage, le week-end dernier, à l’un de ses joueurs : Rino Della Negra. Cet ailier droit, rital d’Argenteuil, s’engage en 1942 dans le réseau Francs-tireurs et partisans de la Main d’œuvre immigrée (FTP-MOI), dirigé par Missak Manouchian. Il fait partie des « 23 étrangers et nos frères pourtant » de l’Affiche rouge. Un groupe de « métèques » italiens, juifs, espagnols, arméniens, tous communistes. Les nazis avaient affichés leurs visages, encadrés de rouge, pour attiser la xénophobie et le racisme. Rino Della Negra est tombé avec ses camarades et a été fusillé, le 21 février 1944, au Mont-Valérien.
I.S.
Lundi 23 février 2004 - Le Parisien -
L’HOMMAGE DU STADE BAUER A RINO DELLA NEGRA A DESTIN exceptionnel, hommage exceptionnel ! Hier, le collectif des amis du Red Star, en association avec le club et la municipalité de Saint-Ouen ont honoré la mémoire de Rino Della Negra, joueur du Red Star fusillé par les nazis le 21 février 1944 au Mont-Valérien à Suresnes (Hauts-de-Seine). En présence de son frère Sylvain Della Negra, de son agent de liaison dans la Résistance, du président du club, et de Jean-Paul Huchon, le président (PS) du conseil régional, Jacqueline Rouillon, la maire (PC) de Saint-Ouen, a dévoilé une plaque commémorative en souvenir du héros disparu. Les personnalités du monde politique et sportif se sont succédé à la tribune pour saluer le destin tragique de Rino Della Negra. Jeune ouvrier dans les usines Chausson à Asnières (Hauts-de-Seine), il intègre, à 19 ans, le club mythique du Red Star, où il enfile le maillot numéro 11. Devant la débâcle, il décide de rejoindre la bande des partisans dirigée par le poète arménien Missak Manouchian. Blessé lors d'une attaque de fonds, il est capturé avant d'être fusillé au côté de ses 21 camarades (la seule femme du groupe sera décapitée quelques mois plus tard en Allemagne). Quelques heures avant de mourir, il écrivait à un ami : « Dans la vie, il n'y a pas de spectateurs. Le rideau se lève. Hommes, je vous aime. Veillez. » Après avoir observé une minute de silence, le public s'est engouffré dans les tribunes pour assister à une rencontre entre le Red Star FC 93 et l'ASO Arménienne, d'Issy-les-Moulineaux. Tout un symbole.
C.H.
Samedi 21 février 2004 - L’Humanité hebdo -
RINO DELLA NEGRA, AILIER DROIT RESISTANT
Joueur " prometteur ", ce fils d'immigré italien est exécuté en 1944 avec ses compagnons du réseau FTPMOI. Avant de mourir, il écrit à son frère : " Envoie le bonjour et l'adieu à tout le Red Star. "
Rino Della Negra n'a rien pu faire cette fois-là. L'ailier droit du Red Star (1) ne dribble personne ce 21 février 1944 au Mont-Valérien. De toute façon, que faire quand les balles ne sont pas de ce cuir qu'il aimait tant taquiner, mais d'un acier lourd et cruel qui plombe le corps ? Rien... Si, tomber dignement face à la mitraille nazie comme les 22 membres du réseau FTP MOI de Missak Manouchian. Un des compagnons d'armes de Rino, Thomas Elek - " juif hongrois, huit déraillements " au palmarès de l'Affiche rouge - a écrit avant d'être exécuté par l'occupant Allemand : " Je meurs, mais je vous demande de vivre. " Rino meurt aussi. Avant, il trouve le temps de glisser une lettre à son petit frère. Les mots sont simples, émouvants, même frappés sur un clavier soixante ans plus tard : " Envoie l'adieu et le bonjour à tout le Red Star. "
Au bout du fil, ce jeudi 19 février 2004, il y a un peu de l'âme du club banlieusard. C'est la voix du capitaine des années quarante, Léon Foenkinos, qui résonne de son accent chantant de pied noir algérien. On lui parle de Rino Primo Della Negra, gosse d'Argenteuil, fils d'un briquetier italien chassé de son pays par les chemises noires de Benito Mussolini. Il répond : " J'aimais ce gosse-là, un Italien qui défendait la France. Je ne savais pas qu'il était dans la Résistance, je ne l'ai su qu'en 1944, lorsqu'il a été fusillé. " Inès Tonsi, en revanche, savait beaucoup. Pourtant, elle aurait aimé ne pas connaître la fin de l'histoire, la fin de l'existence de Rino, le beau gosse couleur sépia sur cette photo des archives municipales d'Argenteuil qui nous fixe au moment où on dévide le fil de sa vie. Elle raconte : " J'étais l'estafette de Rino, c'est-à-dire qu'on lui apportait les armes à l'endroit d'une opération. Ensuite, le travail accompli, Rino nous les ramenait. "
Et le chemin était souvent très long jusqu'aux hauteurs d'Argenteuil, sur la colline de Mazagran où vivait une petite colonie italienne. C'est là que Rino avait aimé le football. Dans les ruelles de ce quartier de brique et de broc d'abord, puis sous le maillot de la Jeunesse sportive argenteuillaise, bien vite étroit pour son talent naissant. Le grand Red Star, pas celui d'aujourd'hui, englué dans des divisions inférieures qui ne collent pas avec sa légende, lui ouvre alors ses portes. C'est l'époque glorieuse d'Alfred Aston, 31 sélections en équipe de France, un petit gabarit de 1,65 mètre, surnommé le " Feu-follet ".
Rino n'aura pas le temps de se faire un surnom. Mais, dans la mémoire d'Inès Tonsi, son souvenir de footballeur demeure : " C'était un crack, décrit-elle. Il n'avait peur de rien. Quelquefois, il jouait contre les Allemands aussi... " Elle rit de bon cour : " De temps en temps, il leur mettait de drôles de ramponneaux dans les jambes... Moi, je lui faisais remarquer : " Les pauvres, ils n'y sont peut-être pour rien dans cette guerre ! " Il répondait en souriant : " Peut-être mais je ne peux pas faire autrement... " "
Lui non plus d'ailleurs n'y est pour rien. Cela ne l'empêche pas d'intégrer les rangs des partisans lorsque le service du travail obligatoire en Allemagne le rattrape au collet. En 1942, Rino Della Negra rejoint la clandestinité au sein du 3e détachement italien des FTP MOI de la région parisienne, commandé par Missak Manouchian. Lorsqu'il n'est pas sur les terrains de football, Rino joue donc à balles réelles et se forge un " palmarès " : destruction du siège du parti fasciste italien, exécution du Général Von Apt, attaque de la caserne Guynemer à Rueil... Inès n'est jamais très loin pour jouer les agents de liaison. Comme ce 12 novembre 1943, rue Lafayette à Paris, qu'elle n'a pas oublié. Ce jour-là, Rino est accompagné de six hommes. L'objectif, un convoyeur de fonds allemand. " J'avais un pressentiment en attendant de récupérer les armes, raconte aujourd'hui Inès. Il y avait trop de mouvement autour d'eux. " L'attaque tourne mal, Rino est blessé, une balle dans la jambe, son groupe est arrêté. Missak Manouchian tombe lui aussi peu après. La suite est encore dans les cauchemars d'Inès Tonsi. Vingt-trois exécutés au Mont-Valérien. Elle dit : " Je prends toujours des cachets pour dormir. "
Frédéric Sugnot (documentation Claude Dewaele)
(1) Le Red Star rend dimanche 22 février à 14 heures un hommage à Rino Della Negra au Stade Bauer à Saint-Ouen. À 15 heures, le Red Star rencontrera en championnat de Paris l'ASO arménienne.
Inès Tonsi au centre, entourée de Mme et M. Crouin (amis d’enfance de Rino) au premier rang, au stade Bauer
Samedi 21 février 2004 - Le Parisien -
IL Y A 60 ANS, L’ESPOIR DU RED STAR ETAIT FUSILLE
IL SAVAIT tirer des deux pieds, dribblait à toute vitesse, faisait trembler les filets. Rino Della Negra était un grand espoir du football, faisant en 1942 et 1943 le bonheur du Red Star à Saint-Ouen. Mais l'artiste du ballon rond fut aussi, pendant la Seconde Guerre mondiale, un résistant au destin tragique. Le 21 février 1944, le jeune homme tombait sous les balles des nazis au Mont-Valérien à Suresnes (Hauts-de-Seine) comme 21 autres de ses camarades du célèbre réseau Manouchian. Il n'avait que 21 ans. Soixante ans après cet événement historique, le collectif des amis du Red Star a décidé d'honorer demain après-midi au stade Bauer (lire ci-dessous) la mémoire de son champion mort pour la France. Un héros né dans le Pas-de-Calais de parents italiens. A l'âge de 3 ans, le petit Rino débarque à Argenteuil. « On a été à l'école ensemble. Il était d'une gentillesse incroyable, calme, discret et très mignon », se souvient Gabrielle, dite Gaby, qui, à 81 ans, réside toujours dans la commune du Val-d'Oise. A 14 ans, l'adolescent enfile le bleu de travail dans les usines Chausson à Asnières (Hauts-de-Seine). Le jeune ouvrier est aussi un footballeur de talent. Licencié dans le club phare d'Argenteuil, l'ailier droit attire l'oeil des recruteurs.
« Quand Rino avait la balle, les mecs ne le rattrapaient jamais » « C'était le meilleur de l'équipe. Il courait le 100 mètres en 11 secondes. Quand il avait la balle, les mecs ne le rattrapaient jamais », témoigne Dédé, ancien coéquipier de Della Negra. En 1942, Rino intègre, à 19 ans, le onze mythique du Red Star qui vient tout juste de remporter la Coupe de France. Mais il ne pense pas qu'à sa carrière de joueur. Après la débâcle, il se veut citoyen exemplaire, refusant la collaboration. Pour lui, hors de question aussi d'aller, outre-Rhin, se retrousser les manches pour le compte du STO (service du travail obligatoire). Il préfère rejoindre une bande de partisans dirigée par le poète arménien Missak Manouchian et multiplie, sans compter, les actions de sabotage contre l'occupant allemand. Comme si de rien n'était, le résistant continue de fouler la pelouse du stade Bauer. « On ne parlait jamais de ses activités car notre entraîneur était soupçonné de collaboration. On se taisait mais on le respectait », explique le capitaine de l'époque Léon Foenkinos, 88 ans aujourd'hui. Le 12 novembre 1943, il est blessé lors d'une attaque de convoyeurs de fonds allemands puis capturé. Trois mois plus tard, Rino et les siens sont froidement exécutés. Dans sa propagande, l'ennemi nazi couvre les murs de l'Hexagone de l'Affiche rouge (*) où apparaît le visage des fusillés présentés comme de dangereux terroristes. Quelques heures avant de mourir, Rino le magnifique écrivait une lettre à son frère : « Embrasse bien fort tous ceux que je connaissais. Envoie le bonjour et l'adieu à tout le Red Star. » * L'Affiche rouge a inspiré le poète Louis Aragon et le chanteur Léo Ferré. Vincent Montgaillard
Léon Foenkinos au centre
Samedi 21 février 2004 - Le Parisien -
HOMMAGE A BAUER
A DESTIN exceptionnel, hommage exceptionnel. Demain, à partir de 14 h 15 au stade Bauer à Saint-Ouen (*), le collectif des amis du Red Star, avec le club et la municipalité, honoreront la mémoire de Rino Della Negra. Une plaque sera dévoilée en souvenir de celui qui a « osé sacrifier sa vie pour que la France puisse vivre libre », selon Gérard Valck, instigateur de la commémoration.
Parmi les invités, Léon Foenkinos, capitaine de l'Etoile rouge dans les années 1940, ancien coéquipier de Rino, sera sans doute l'un des plus émus : « J'ai encore de la peine aujourd'hui. Un Italien qui défendait la France, ça, je ne l'oublierais jamais. Ce gosse était aussi promis à un bel avenir dans le football, capable d'évoluer à tous les postes avec une classe indéniable. » L'écrivain Didier Daeninckx fera également le déplacement. Le roi du polar social a écrit une nouvelle sur le résistant, présentée en avant-première sur le site Internet des fans du Red Star (www.allezredstar.com) et prochainement publié dans un recueil à l'occasion du centième anniversaire du journal « l'Humanité ». « Ce qui est fascinant chez Rino Della Negra, c'est que, malgré la clandestinité, il continuait à venir jouer au foot. La passion était telle qu'il était prêt à braver les consignes de sécurité », confie la plume d'Aubervilliers.
(*) La cérémonie du souvenir sera suivie, à 15 heures, de la rencontre de division d'honneur Red Star FC 93 - ASO Arménienne.
Samedi 14 février - L’Humanité hebdo -
Acteur de la ville Gérard Valck, du collectif des Amis du Red Star.
Responsable du site Internet allezredstar.com, membre du collectif des Amis du Red Star, Gérard Valck est un des acteurs de l'hommage qui sera rendu samedi 22 février à un footballeur du Red Star, Rino Della Negra, membre de l'Affiche rouge du groupe Manouchian, fusillé le 21 février 1944, il y a soixante ans, par les nazis au Mont Valérien. L'hommage aura lieu lors de la rencontre Red Star FC 93 contre l'ASO arménienne au stade Bauer. C'est à partir du texte d'un historien de Saint-Ouen évoquant Rino Della Negra et d'une visite au Mont Valérien, près de son domicile de Rueil, que Gérard Valck et les Amis du Red Star ont pris l'initiative de cet hommage, en accord avec la municipalité. Gérard Valck a découvert que Saint-Ouen a payé cher sa résistance au nazisme. Beaucoup de ses fils ont combattu, beaucoup ont péri, dont le docteur Bauer, qui a donné son nom au stade de Saint-Ouen. La cérémonie débutera à 14 heures et l'entrée sera gratuite. Une exposition sera inaugurée dans l'enceinte du stade ainsi qu'une plaque commémorative. L'écrivain Didier Daeninckx publie une nouvelle consacrée à Rino Della Negra, nouvelle diffusée sur le site Internet des Amis du Red Star et qui sera par ailleurs reproduite dans l'ouvrage commémorant le centenaire de l'Humanité.
J. M.
© photos allezredstar.com 2004