RED STAR - NANTES
Du 8 avril 1966, à Saint-Ouen, vu par François Thébaud. Son compte rendu dans Miroir-Sprint.
« 45 MINUTES EBLOUISSANTES DES NANTAIS A SAINT-OUEN »
Il nous faut remonter très loin en arrière pour retrouver dans nos souvenirs, quarante-cinq minutes de football comparables à celles que Nantes a offertes vendredi aux douze milles spectateurs du stade de Saint-Ouen. La première mi-temps du virtuel champion de France 1966 contre le Red Star dépassa en tout cas de très loin ce que nous avons pu voir de mieux cette année et l’année passée sur n’importe quel stade européen ou sud-américain. Les applaudissements et les clameurs admiratives qui saluèrent fréquemment ce festival de football offensif démontrèrent d’ailleurs que le public ne s’y trompait pas. C’est à un spectacle hors série qu’il assistait, et il en avait conscience.
L’aisance avec laquelle Nantes manoeuvra durant cette période fit sensation. Du grand Eon, dont les passes à la main furent des modèles de vitesse, de précision et d’opportunité, aux avants de pointe, en passant par les arrières et les hommes du milieu, la balle circula avec une rapidité et une constance extraordinaire. Le premier but (13ème minute) fut un authentique chef-d’œuvre de football constructif (une douzaine de passes consécutives) ponctué par un tir irrésistible de Simon, bien que Gondet ait été irrégulièrement déséquilibré en pleine surface de réparation par un défenseur audonien aux abois. Il fallut attendre la quarantième minute pour assister au second but, signé en finesse par Gondet, au terme d’un magistral une-deux effectué dans un paquet d’adversaires. Mais entre ces deux splendides réalisations, les joueurs nantais mirent à leur actif une série de mouvements en tous points admirables qui étaient l’œuvre de l’équipe tout entière, la consécration permanente des forces autour du porteur du ballon permettant à chacun d’exploiter dans les meilleures conditions toutes les possibilités du jeu réellement collectif.
Pour beaucoup de spectateurs la valeur individuelle des joueurs nantais constitue une révélation. Ils ignoraient que Gondet, présenté depuis des mois comme une machine à shooter, est devenu bien plus que cela : un footballeur complet, à la technique très sûre, mais à la clairvoyance et à l’esprit collectif toujours en éveil. Ils ignoraient encore les Suaudeau, Muller, Robin, Grabowski, De Michèle. Ils ont compris que dans un cadre collectif permettant tous les progrès, ces joueurs étaient les égaux des Budzinski, Simon, et Blanchet dont la réputation a franchi les limites nationales.
Ils sauront plus tard, on n’en doute pas, que si ces footballeurs presque inconnus il y a deux ans se comportent aujourd’hui comme des maîtres, c’est le résultat d’un système de jeu collectif rationnel qui force l’épanouissement de l’individu.
La seconde mi-temps des Nantais fut moins étincelante que la première. Sans doute parce que le quatre défensif effectua des mouvements de recul prématurés qui portèrent atteinte à la parfaite concentration des joueurs. Sans doute aussi parce que leur avance à la marque expliquait un certain relâchement de la part de joueurs dont les forces viennent d’être très sollicitées et qui vont l’être encore plus dans un avenir prochain (Championnat, Coupe de France, match contre l’Espagne). Dantheny, le gardien du Red Star n’en connut pas moins de terribles alertes, et à la 84ème minute, Gondet sur passe de Muller, à la suite d’une irrégularité de Robinet, mit un point final à la marque (3-0).
Cette seconde mi-temps permit de confirmer que le Red Star qui joue très correctement le jeu (à l’exception de Robinet) n’était pas un adversaire négligeable. Dalla Cieca, Jarra, Bras, Jecker, Moy, manifestèrent alors les possibilités qu’on leur connaît. Puissent les dirigeants et l’entraîneur et le public audonien comprendre que si Nantes est devenu une grand équipe, c’est parce que Arribas son entraîneur a toujours été fidèle à une ligne de conduite bien précise, à un système de jeu auquel il n’a jamais dérogé. »
Photo de gauche, le premier but nantais : déséquilibré par Manzano, Gondet est parvenu à glisser le ballon à Simon qui, de 18 mètres trompe Dantheny. Photo de droite, un une-deux avec Simon et malgré la sortie de Dantheny, Gondet inscrit le second but nantais.
Une image parfaite de la concentration des joueurs nantais : Gondet est venu chercher le ballon sur la ligne de ses défenseurs Budzinski, Robin, Grabowski. Magny, Simon, Muller, le sollicitent dans le rond central et Blanchet est isolé sur l’aile droite. Huit Nantais contre trois Redstarmen (Novarro, Oriot, Dalla Cieca). Quelle supériorité numérique !
Gros plan sur Gondet qui, qui devant Jecker, vient de passer à Blanchet. Champion de France (65-66), le FC Nantes, debout : Arribas (entraîneur), Le Chenadec, Grabowski, Robin, De Michèle, Mourier, Budzinski, Eon. Accroupis : Blanchet, Muller, Gondet, Suaudeau, Touré.
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