Robert Herbin, à la place qui occupait au Stade de Saint-Ouen, en 1946 (photo 1), et en compagnie du journaliste de France 2, Dominique Le Glou (photo 2)
HERBIN APPORTE LA VICTOIRE DANS SES BAGAGES
Le nouvel entraîneur du Red Star, a vite retrouvé les sensations qu'il avait connues lorsqu'il accompagnait son père à Saint-Ouen. Le retour était attendu, mais le succès face à Angers, leader du Groupe A, l'était moins.
Il avait sept ans lorsqu'il est venu s'asseoir pour la première fois dans les gradins du Stade de Saint-Ouen. Robert Herbin, le nouvel entraîneur du Red Star, aime ces retours aux sources qui ont ponctué sa vie "Je me rappelle exactement de la place que j'occupais ce jour là dans les tribunes aux côtés de mon père." En cette journée printanière de 1946 avec son père musicien, le petit Robert était venu assister à la finale du Championnat de France amateurs qui opposait Le Havre au Racing. Samedi soir, il a refait le chemin, sur les traces d'une enfance lointaine et heureuse.
A 20 h 10, il sort du tunnel réservé aux joueurs et pénètre sur la pelouse en compagnie de Michel Rouquette qui dirigeait l'équipe jusqu'à ce que Jean-claude Bras, le président du Red Star, l'appelle au poste d'entraîneur il y a quelques jours. Il n'a pas changé, sa grosse boule de cheveux roux véhicule toujours le rêve chez les vieux supporters, chez les purs et durs qui ont égrené leurs décennies sur les coins de bar à refaire le match de la vieille.
Dans leurs têtes les exploits des "Verts" de Saint-Etienne gardent une place privilégiée et à l'orée de la retraite, ils veulent encore croire en la magie de "Robby".
Raymond, éternelle casquette de toile vissée sur le haut du crâne, la soixantaine au teint rougi par le froid et les canons, applaudit Robert Herbin et glisse à son voisin : "Il n'y a que lui qui peut nous ressouder tout ça. Rouquette était trop gentil et sa carrière n'impose pas le respect. Avec Herbin ça va être autre chose. On peut jouer les barrages pour la montée en Première Division. Et après, qui sait." Son voisin dérape et parle de Coupe d'Europe. Tout le monde rigole de bon cœur.
Robert Herbin, avant de s'asseoir sur le banc de touche, fait un signe de la main aux supporters qui l'interpellent. Il a dû rire le matin même en lisant les pages "Sports Ile-de-France" du Parisien qui présentaient le match face au SCO d'Angers. On y parlait de "Robert Hossein", le nouvel entraîneur du Red Star et de la venue du "dealer" angevin. Quand Pascal Bonnigal, l'arbitre donne le coup d'envoi, Robert Herbin recherche toujours ses marques : "Ca fait un an et demi que j'étais privé de banc de touche. Vous n'avez pas du tout la même perspective. Il m'a fallu un temps de réadaptation mais c'est fou comme ça revient vite." L'homme vient pourtant de vivre une sale période ponctuée d'une opération de la hanche : "Je gardais le contact en allant voir les matchs de l'A.S. Saint-Etienne des tribunes puisque j'avais été foutu à la porte. Et puis, je relevais d'une opération de la hanche, cinq mois avec des béquilles.Il n'y a que deux ou trois mois que je me sens à nouveau comme vous."
Mais celui qu'on appelait le "Sphinx" s'énerve quand on lui parle des motivations qui l'on fait signer au Red Star : "Je ne veux plus vous entendre parler de challenge ou de revanche. Je fais cela parce que je suis passionné et que mon plaisir c'est de voir les joueurs s'améliorer. Je suis là pour le football, à la recherche constante de ses vérités, de ses sources."
Samedi pourtant devant 5 000 spectateurs, le Red Star débute mal. sa défense prend souvent l'eau sur les percées de Laurent Viaud ou de Cédric Daury. Juste après que le speaker a menacé de faire intervenir la police pour chasser "la personne qui siffle et perturbe le match", le Red Star ouvre la marque. Sur un dégagement en catastrophe de la défense angevine, le petit milieu de terrain Jean-Luc Girard décoche en pleine course une frappe de mule qui se loge dans la lucarne. Jean-Marc Aubry, le gardien du SCO , engourdi par l'inaction et le froid, est battu. Dans les populaires , on scande le nom d'Herbin.
Dernièrement, il conseillait le FC Valence en Division 3. Il y a quelques années, il était parti s'exiler en Arabie Saoudite comme Hervé Gauthier. Sa venue à Saint-Ouen, n'est pas un hasard. Il retrouve Christian Duraincie, un dirigeant qui était très proche de lui à Saint-Etienne pendant la crise de l'ASSE. Et puis, il est né là bas, de l'autre côté du périphérique, au bout du quai de la Loire, sur les bords de l'Ourcq. En plus, les 5 000 spectateurs du stade de Saint-Ouen ressemblent à s'y méprendre à ceux de Geoffroy-Guichard. Un public prolo qui va au foot depuis des générations : "C'est vrai que je me sens plus à l'aise dans cet environnement. Je suis sur la brèche depuis 1957, mais les valeurs sur lesquelles je veux m'appuyer, je les retrouve plus facilement dans ce contexte."
Dans les vestiaires, Robert Herbin a dit quelques mots à ses joueurs à la mi-temps. Les 45 dernières minutes n'en seront que plus plaisantes. Le Red Star s'accroche et fait chuter le leader. Herbin semble déjà chez lui dans le couloir des vestiaires : "Les joueurs se sont bien imprégnés de certains principes. Et puis, ceux qui ont tendance à jouer de façon un peu folle, se sont maîtrisés cette fois."
Robert Herbin a rejoint sa maison de l'Etrat, sur les hauteurs de Saint-Etienne. En fin de semaine, il reviendra parler à ses joueurs avant le difficile déplacement à Rouen. Raymond et ses potes en sont plus que jamais persuadés : avec Herbin, le Red Star va redevenir l'équipe dont les malheurs et les joies ont émaillé leurs vies.
Patrick Le Roux
Novembre 1991, sur la pelouse de Bauer : Christian Duraincie,
Robert Herbin et Jean-Claude Bras
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