LE RED STAR NAVIGUE A VUE  RED STAR 93

Nous reproduisons l'intégralité de l'article paru, vendredi 21 FEVRIER 2003 dans le quotidien l'Humanité concernant le Red Star.

LE RED STAR NAVIGUE A VUE

Football. En proie à une crise financière sans précédent, les Audoniens continuent d'y croire. Explications.

Hier en ex-D2, aujourd'hui dans le ventre mou (12e sur 16) du groupe B de CFA2, rétrogradés sur le terrain, puis dans les bureaux de la Direction nationale de contrôle et de gestion, les Dionysiens du Red Star ressassent les séquelles d'une grandeur perdue. Il n'y a encore pas si longtemps, ils avaient été adoubés pour être les résidants bien comme il faut du Stade de France. Populaire, implanté au cour des cités en mal d'intégration, bannissant l'élitiste si cher au bien nés, l'Etoile rouge possédait le profil parfait pour faire la nique au PSG version Canal Plus, icône d'un capitalisme antisocial.

Seulement voilà, le rêve était trop grand pour un convalescent. Fallait pas jouer les riches quand on n'a pas le sou. Pas encore sorti du four, le gâteau avait alléché quelques gourmands convaincus de s'être assis à une excellente table. Dominique Rocheteau, Vincent Guérin, Ali Ben Mabrouck, Claude Guedj et sa société Crit Intérim, pour ne citer qu'eux, sont montés à bord avant de quitter le navire dès lors qu'il menaçait de couler.

Car, à présent, le club, grevé par un déficit d'environ 1,5 million d'euros (9,80 millions de francs), est en redressement judiciaire et sous l'autorité d'un mandataire depuis novembre dernier. Privés de leur statut pro et de leur centre de formation fermé pour de bon, les Franciliens peinent à s'inventer un avenir. La Société anonyme d'économie mixte sportive (SAEMS) qui gérait l'équipe fanion a été mise en liquidation par le tribunal de commerce de Bobigny le 3 juin 2002. Si bien que les meilleurs éléments sont allés voir ailleurs si on payait mieux les manieurs de ballon. D'anciens employés ont également saisi les prud'hommes pour réclamer le paiement d'arriérés de salaires.

Difficile, dans ces conditions, d'entrevoir le moindre rayon de lumière. Et quand souffle la tempête, le silence est d'or. Rares sont ceux qui consentent à s'exprimer. Le secrétaire général, Michel Castejon a le mérite de ne pas se défausser. Amer, il est prêt au combat pour sauver les meubles avant de reconstruire la maison sur des fondations de maçon consciencieux : " On a voulu tous ensemble faire grandir le Red Star. On l'a obligé à avoir un train de vie qui n'était pas le sien. C'était d'un ridicule sans nom. On réglera les comptes. Il serait bon que chacun exerce son droit d'inventaire. " L'homme l'a encore en travers de la gorge. Il attend maintenant que les collectivités locales tirent enfin la couverture dans le bon sens. La mairie de Saint-Ouen serait ainsi avisée d'honorer la subvention de 72 672 euros (476 000 francs) dont elle aurait déjà dû s'acquitter depuis six mois. Le conseil général, lui, est prié de verser la deuxième moitié de l'aide qu'il a promise, soit 110 000 euros (720 500 francs). C'est sur cette base qu'il était prévu que le tribunal de grande instance de Bobigny, rassuré par ce double apport, accorde hier un blanc-seing jusqu'au terme de la saison. L'argent public devrait tout juste permettre de couvrir les frais de fonctionnement. Tant pis pour les dirigeants, bénévoles, et les joueurs, qui ne perçoivent pas de fixe mais juste des primes dérisoires : moins de 76,33 euros (500 francs) pour une victoire.

L'été venu, il conviendra de retrouver un repreneur fiable et suffisamment solvable pour éponger les dettes et sortir du collimateur de la justice. Or, les candidats ne se bousculent pas au portillon. La Socpresse, propriétaire du FC Nantes et... du Figaro, ainsi que la droite locale se sont montrées intéressées. Evidemment, les visées marketing et politiques de ces deux-là font tache dans ce bastion communiste, peu enclin à brader son passé. Michel Castejon veut prouver " qu'il n'y a pas que les riches qui peuvent faire du foot ". Il n'est pas au bout de ses peines.

Alexandre Terrini

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