Marcel de la Butte

Dans le reportage de la chaîne Onzeo consacré au Red Star (http://www.dailymotion.com/video/x3mn379_culture-foot-special-red-star_sport ), la question du stade a été au centre des interrogations. Prudent, le Président Haddad a évoqué plusieurs possibilités et n’a fermé aucune porte. Mais quelles sont les options vraiment disponibles ? Nous vous proposons de nouveau la troisième partie de l'étude de Marcel de la Butte consacrée à la problématique cruciale du stade. .

Cinq candidats face à Pierre Brisson : faites votre choix !

Bauer en chantier pour un nombre d’années indéterminé ((http://www.allezredstar.com/archives/fr_marcelbutte.htm), Beauvais définitivement trop loin ((http://www.allezredstar.com/archives/fr_marcelbutte2.htm) un nouveau changement de stade constitue un impératif dès la saison prochaine. La sagesse et l’expérience de ces six derniers mois voudraient que la direction du club planche déjà sur un sujet qui s’est encore complexifié ces dernières semaines d’une manière aussi inattendue que plaisante, bien qu’elle nous donne le vertige : l’hypothèse d’une montée en ligue 1. Impossible en effet de ne pas intégrer ce paramètre dans l’équation du stade quand on est troisième ex-æquo à la trêve.

Commençons par l’inventaire des stades disponibles en région parisienne pour un club professionnel de L2 ou L1. Le champ des possibles n’est pas très étendu.

Jean Bouin. Stade moderne, mais aux normes… du rugby et affecté exclusivement à ce sport. La mairie et peut-être le Stade français n’ont guère envie de voir Jean-Bouin servir également au foot professionnel. On ne veut manifestement pas mélanger les torchons et les serviettes dans ce beau petit stade. Exit donc.
Le Stade de France. Le plus proche de Bauer et du cœur de son public. A ce titre, peut-être le plus légitime. Le plus beau et le plus grand de tous. Mais également le plus cher, et de loin. Le consortium propriétaire préfère le public des beaux quartiers et n’est pas prêt à faire un rabais le vendredi soir pour une bande de footeux du 93, fussent-ils dirigés par un talentueux fils de pub. Patrice Haddad a bien essayé à l’été de mettre un pied dans la porte du stade, avec le soutien des politiques de la région qui se sont prononcés pour que lui soit accordé une ristourne citoyenne. On a vu le résultat : le consortium leur a claqué la porte à la figure sans ménagement. Ce qui, au passage, en dit long sur le pouvoir des politiques dans ce type de dossier. Les proprios du Stade de France font du business, pas du social. Ils préfèrent les concerts de rock et les matchs internationaux à guichet fermé, quitte à n’ouvrir que quelques dizaines de soirs par an. Conclusion : exit le Stade de France.
Le Parc des Princes. Il ne faut rien exclure, surtout pas un stade où le Red Star a déjà joué de manière intérimaire dans le passé, ni un club - le PSG - qu’il a hébergé à Bauer à une époque où la majorité d’entre vous n’avait pas encore frappé dans le moindre ballon. C’était en 1971-1972. Ca date un peu vous me direz. Pas sûr que ces souvenirs de vieux Parigots émeuvent beaucoup les actionnaires qataris du PSG. Le Parc mérite néanmoins d’être étudié sérieusement. Particulièrement si le Red Star montait en Ligue 1 à la fin de l’année. Au Parc, aucun problème d’infrastructure, d’organisation ou d’homologation. Restent trois problèmes à traiter (et pas des moindres). 1/ L’accord de location qui lie la mairie et le PSG peut-il s’accommoder d’une « sous-location » au profit du Red Star ? Tout est possible et tout dépendra de la bonne volonté de ces deux parties. Corollaire de cette question, le PSG voudra-t-il faciliter l’éclosion d’un second club parisien en L1 ? Il y a du pour et du contre et, à la place des dirigeants actuels du PSG, je réfléchirais à deux fois avant de dire non. 2/ Le Red Star peut-il jouer dans un stade aussi marqué de l'empreinte de son locataire principal ? Vraie question à laquelle chacun apportera sa réponse. Je relève toutefois que, dans un passé là également assez lointain, le PSG a partagé le Parc avec le PFC, le Matra Racing et, nous le disions plus avant, le Red Star. Aujourd’hui, le Red Star squatte le stade d’un petit club de province. Pourquoi ne logerait-il pas temporairement chez le plus riche club de la capitale ? 3/ Enfin, dernier problème sur la route du Parc, la population du XVIème. Les bourgeois de l’ouest parisien ne risquent-ils pas de commencer à brûler des voitures comme des cagoulés de banlieue si on veut leur imposer une double ration de match de L1 dans l’année, avec les désagréments qui vont avec ? Le Red Star ne drainera pas autant de public que le PSG, mais pour le riverain « footballophobe » de la porte de Saint-Cloud (ne nous privons pas d’utiliser ce suffixe tant à la mode), ce sera kif-kif. Pas sûr que Mme Hidalgo veuille se crêper le chignon avec l’un des derniers quartiers marqués à droite de la capitale, le tout pour plaire au club d’une ville qui a eu le mauvais goût de passer à l’UDI aux dernières municipales. Conclusion : la voie qui mène au Parc des Princes est semée d’embûches. Mais l’idée n’est pas à écarter d’un revers de main, surtout en cas de montée en L1. Pour la L2, le costume risque d'être un peu grand.
Le stade de Marville à la Courneuve. Marville, nous revoilà ! L’idée ressemble à un mauvais remake de film catastrophe pour les quadragénaires et plus qui ont vécu la première migration dans les années 90. On sait comment ça s’est fini. Liquidation, reprise en sixième division et… retour à Bauer. Soit, ce n’est pas un très bon souvenir. Côté transports en commun, ce n’est pas glorieux, mais rien à voir avec Beauvais. En voiture ou en deux roues, rien d’impossible. Reste le stade, sans charme, sans âme. Un improbable cynodrome situé au milieu d’une zone mal définie dans le parc de la Courneuve. Pour boire un canon au troquet de l’autre côté de la rue, on repassera. L’hiver y est sinistre, surtout un soir de défaite. Mais là encore, rien ne peut être aussi terrible que Beauvais. Il y a quinze ans, Marville était aux normes de la D2. S’il ne l’est plus, il ne doit pas lui manquer grand-chose. Avec un petit effort de la nouvelle majorité régionale afin de préserver la paix sociale et footballistique, Marville peut être la solution dès l’année prochaine. Pas très glamour et paillettes, mais proche de Paris, de Saint-Ouen. Et, mine de rien, le Red Star y a déjà joué. Deux trois années à Marville ne seraient-elles pas plus acceptables que deux trois années à Beauvais ? Si Marville ne fera pas revenir les nouvelles générations de supporters grisés par l’ambiance de Bauer, au moins parviendrait-il à réconcilier le Red Star avec son public historique, celui du 93, de Paris et de l’Ile de France qui ne peut pas - ou n’a pas le courage - se rendre à Beauvais. Conclusion : Marville, une piste solide à étudier avec attention. Du moins pour la L2. Pour la L1, ça risque de faire juste.
Charléty. Je sens votre sang refluer et votre peau blanchir. Ce stade traversé de courants d’air où il faut venir muni de jumelles pour voir le match ! Le stade de ces égarés du Paris Football Club ! Oui, je parle bien de ce stade d’athlétisme, élégant de l’extérieur, raté de l’intérieur. Regardons-le objectivement. Il est taillé pour la L2 et donc a priori pour la L1. Il est accessible et moderne. Il pourrait réunir anciens et nouveaux supporters, banlieusards et parisiens. Enfin, la mairie de Paris verra peut-être d’un bon œil son utilisation par un autre club résident. Surtout si le PFC retombe en National et si le Red Star termine la saison en L1. Restera à vérifier si Charléty n’est pas déjà sur-utilisé, notamment avec les féminines du PSG. Seul obstacle identifiable, l’obstruction éventuelle du PFC et la crainte de heurts entre hooligans du PFC et supporters du Red Star. Mais ces réticences suffiraient-elles à étouffer dans l’œuf un déménagement du Red Star dans le XIIIème arrondissement pour deux trois années ? Conclusion : Charléty n’est pas le choix n°1 du club ou de ses supporters, mais c’est une destination crédible, pratique et probablement peu coûteuse, qui mérite une étude attentive. Bien plus acceptable que Beauvais à nos yeux.

Sauf erreur ou omission, nous ne voyons pas d’autres hypothèses de travail pour l’année prochaine et les suivantes. C’est parmi ces cinq stades qu’il faut trouver l’alternative au stade Pierre Brisson de Beauvais. Aucun ne donne pleinement satisfaction. Mais le but de l’exercice est ici de retenir l’option la moins mauvaise pour le club, ses supporters, son avenir, sa pérennité.

« Le Red Star c’est Bauer » ou « le Red Star c’est Saint-Ouen » ?

Avançons en terrain miné. Peut-on concevoir le Red Star ailleurs qu’à Bauer ? Un nouveau stade pour le Red Star à Saint-Ouen, mais ailleurs qu'à Bauer, est-il sacrilège ou envisageable et à quelle condition ? La liste des clubs qui ont changé de stade est longue. Particulièrement au Royaume-Uni où pourtant on respecte principalement les traditions et où on ne badine pas avec l’identité d’un club. La greffe dans un autre stade est une opération risquée mais pas impossible. Encore faut-il respecter quelques principes de base.

Patrick Haddad s’est essayé à ce jeu délicat. On ne peut pas dire que son projet a été accueilli sous les applaudissements de la foule. Le dossier a fini dans un enterrement de seconde classe, sans tambour ni trompette. Il faut dire qu’il n’en méritait guère plus. Ce projet qui faisait du stade de foot l’annexe d’une salle de spectacle dans un ensemble architectural faisant penser à un centre commercial était une fausse bonne idée et une vraie erreur de stratégie. Le projet d’Arena sorti du chapeau du président Haddad avait le grave inconvénient de ne pas respecter les spécificités de Bauer auxquelles tout le monde est attaché.

Ce n’est pas tant les Docks que ce footeux projet de centre commercial qui a fait l’objet d’un rejet unanime. Car pour qu’un stade aux Docks ait une chance d’être accepté par le plus grand nombre et devienne le nouvel antre du Red Star, il faudra impérativement conserver l’architecture, l’esprit et l’âme de Bauer. Pour que le Red Star reste le Red Star, il faudra que le futur Bauer soit le digne descendant du Bauer d’aujourd’hui. Un stade à l’anglaise, à quatre tribunes proches du terrain, refermé sur lui-même, à l’image du stade de Fulham ou de Leyton Orient à Londres. Un stade que tous les jeunes parisiens qui ont biberonné de la English Premier League toute leur enfance rêveront de connaitre pour découvrir en vrai l’ambiance qu’ils ont connu sur le petit écran. Avec un projet de stade respectueux de l’histoire du club et de Bauer, les supporters, surtout s’ils ont été associés en amont au choix architectural, auront plus de chance d'accepter un déménagement à deux kilomètres de Bauer. Et une nouvelle tribune Rino de la Negra recréera une ambiance de feu durant les matchs, comme hier à Bauer.

Cet avenir ne se réalisera peut-être jamais. Bauer sera peut-être finalement réhabilité, modernisé, agrandi, en suivant – pourquoi pas - la voie tracée par l’excellent projet du Collectif Red Star Bauer. Au jour d’aujourd’hui, tout est encore possible. Il faut s’assurer que, quelle que soit la voie qui sera choisie, des erreurs fondamentales et irrémédiables ne soient pas faites. Comme celle de vouloir faire jouer le Red Star dans un centre commercial…

Arena
Projet d’arena aux Docks présenté par la direction il y a trois ans

L’impérative association des supporters

Gérer la relation avec les associations de supporters n’est jamais une sinécure. Tous les présidents de club vous le diront. Il est probable que Patrice Haddad pense la même chose. Pour autant, entretenir cette relation est un impératif dans chaque club. Et il arrive même que les choses se passent bien. Dans la phase dans laquelle se trouve le Red Star, marquée à la fois par une montée, un exil forcé et l’accession au monde professionnel, cette relation doit être traitée avec une grande attention.

Quand on s’éloigne de sa maison, il faut d’autant plus entretenir les liens avec sa famille. A ce titre, la direction n’a pas prêté suffisamment d’attention à l’accompagnement des supporters dans le déménagement vers Beauvais. La question du transport jusqu’au stade Pierre Brisson en est l’illustration. Sur ce sujet, la réflexion n’a pas été poussée très loin.

La mise en place d’une navette en bus depuis Bauer jusqu’à Beauvais a constitué le service minimum. Beaucoup plus aurait pu être fait. Aller à Beauvais butte sur deux problèmes : les bouchons en voiture à l’aller, l’absence de train au retour. L’idéal serait de prendre le train de la gare du Nord et de revenir en bus. Gain de transport, près de deux heures. Pourquoi ne pas l’avoir organisé ? Pourquoi ne pas proposer une navette bus « aller-retour » depuis Bauer et une option « retour seulement » permettant de prendre le train à l'aller ? Autre exemple : à l’heure de blablacar.com et des réseaux sociaux, pourquoi ne pas avoir mis en place une plateforme de co-voiturage sur laquelle chacun aurait pu afficher son offre ou sa demande de voiturage ? Beaucoup de cas particuliers auraient pu être traités aisément tout en créant du lien humain entre supporters. Dans le stade même, a-t-on pensé à réserver un local pour le « Collectif Red Star Bauer » afin de faciliter l’appropriation de ce stade si éloigné – dans tous les sens du mot – de Bauer ?

S’occuper de covoiturage, tisser les liens interpersonnels entre supporters n’est pas la mission d’une direction de club, pourra-t-on nous rétorquer. Soit. Mais dans ce cas-là, il faut proposer à l’association des supporters de s’en charger. Sur ce terrain, la concertation avec le Collectif pourrait s’avérer utile et fructueuse, sans empiéter en rien sur les prérogatives de la direction.

Le choix d’un nouveau stade pour la prochaine saison, ou le maintien à Beauvais - que nous jugerions erroné - devrait-il faire l’objet d’une concertation, voire d’une consultation par internet. Le sujet justifie au minimum une réunion publique au printemps. Car le sujet du stade en cache un autre, celui du supporter. Sans stade accessible, pas de public durable. Sans public durable, pas d’appropriation du stade. Sans public et sans stade, pas de réussite sportive. Une équipe, un stade, des supporters et bien sûr une direction. Un club solide repose sur ces quatre pieds. Il est essentiel de régulièrement entretenir le lien entre toutes ses composantes. Le handicap supplémentaire que constitue le départ de Bauer aurait même pu servir (et peut encore servir) à resserrer les liens entre chacune d’entre elles.

La direction doit se garder de prendre des décisions sans un minimum de concertation sur un sujet aussi fondamental que le stade. La décision finale lui appartiendra toujours. Mais il lui revient d’en parler avec le public, les supporters, les amoureux du club. La discussion sera forcément passionnée. Mais elle doit avoir lieu, éventuellement précédée par une concertation de l’association représentative des supporters ou par l'ouverture d'un débat spécifique sur le site du club.

La fidélité et le soutien du public - unique à Paris hors du PSG - sont une des forces du club. Cette ferveur populaire donne sa pleine légitimité à l’ambition de faire du Red Star le deuxième club phare de Paris. Faisons en sorte que le sujet du stade renforce l'union autour du club.