LES GRANDES HEURES DU STADE DE SAINT-OUEN  RED STAR 93
Textes de Gérard Valck

ECLAIRS DE HILTL SOUS UN CIEL GRIS:

Mai 1946, pendant que le Red Star s'apprête à affronter Lille, en finale de la Coupe de France, se déroule au stade de Saint-Ouen, un match de la dernière journée de championnat de France qui oppose le Racing au C.O. Roubaix.

Compte-rendu paru dans le 1er numéro de Miroir Sprint (28 mai 1946)

Samedi dernier, à l'issue du match gagné (2-0) par Roubaix aux dépens du Racing, alors que les joueurs exténués, trempés jusqu'aux os et recouverts d'une épaisse couche de boue noirâtre regagnaient les vestiaires, Darui se précipita sur Hiltl*, et, l'étreignant dans ses bras, appliqua sur ses joues deux gros baisers. c'était là un geste spontané de reconnaissance et d'admiration à l'adresse de celui qui venait d'être le principal artisan de la victoire de son club, et, en dépit des années alourdissant ses épaules toujours "l'extraordinaire Monsieur".
Sur un terrain marécageux, la maîtrise et la clairvoyance de Hiltl s'imposèrent. Abandonnant sa nonchalance habituelle, avantagé par le rythme lent de l'action contrariée par les éléments et l'état de la pelouse, il affola, dérouta, médusa les défenseurs parisiens. Ces derniers, sentant le danger que constituait cet étonnant footballeur, se coalisèrent fréquemment à trois ou quatre pour le neutraliser, désorganisant ainsi imprudemment leur rideau de protection.
Mais, se jouant de l'opposition adverse, Hiltl demeurait toujours en possession du ballon, et, sans se départir de son remarquable sans froid, adressait à ses partenaires de l'attaque, des services où la précision mathématique le disputait à l'opportunité. Deux fois consécutives, le puissant Grava fut alerté, alors que la défense du Racing, prise en défaut, était déjà battue.
Se refusant de percer au centre du terrain transformé en bourbier, Hiltl comprit l'impérieuse nécessité de lancer les ailiers, dont les évolutions restaient plus aisées. Pendant toute une mi-temps, la seconde, Grava et Braine eurent au bout de leurs pieds de nombreuses occasions de tromper Molinuevo, occasions qu'ils ne surent pas toujours utilement exploiter, quelquefois avec des excuses, car le minuscule Fructuoso s'amusa follement à dribbler inconsidérablement, enlevant ainsi à l'offensive, l'effet de la surprise.
Devant la pression nordiste, le Racing dont la belle tenue du début ne fut qu'un feu de paille, étala son impuissance de remonter le courant. Ni ses demis-ailes, ni ses inters n'arrivèrent à reprendre le dessus sur un ensemble athlétique et lourd, incontestablement avantagé de se produire sur un terrain détrempé.
Installé temporairement à la deuxième place du classement, Roubaix doit regretter aujourd'hui sa défaillance incompréhensible du début de mai où l'équipe connut deux échecs devant le Red Star et le Havre. Quatre points perdus, à la surprise générale, et qui empêchent aux nordistes de postuler sérieusement pour le titre.
* Henri Hiltl avait 36 ans en 1946, d'origine autrichienne, gagna la Coupe de France avec le Racing (1940) et le championnat en 1947 avec le C.O.R.T., naturalisé français (3 sélections).

Le championnat était terminé pour Roubaix, Lille avait encore trois matchs pour remonter son handicap de 4 points. Les Lillois, vainqueur de la Coupe, enlevèrent deux rencontres sur trois et devinrent champion de France, avec un point d'avance sur Saint-Etienne et 4 sur le C.O. Roubaix. Le Red Star termina à la 11ème place.
Un club de Roubaix qui enleva le titre l'année suivante sous la dénomination : C.O.R.T. C.O. Roubaix-Tourcoing (club né de la fusion de l'Excelsior, Racing et Tourcoing).
Tourcoing... prochain rendez-vous du Red Star 93 en Coupe de France pour rencontre Marcq-en-Baroeul.

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