1 Le Red Star jouera la saison 2001-2002 en championnat de football amateur (CFA), trois saisons après avoir quitté la Division 2. Comment expliquez-vous cet échec, vous, son président ?
Nous avons vécu une saison surréaliste. Notre objectif était de remonter en D2 avec un budget de 28 millions de francs. Nous avons fait quelques erreurs de casting, notamment en recrutant l'international irlandais Tony Cascarino, parti quelques semaines seulement après le début de la saison. Nous n'aurions pas dû recruter aussi vite et autant. C'est un échec individuel des joueurs, et j'assume la responsabilité collective.
En outre, l'environnement autour du club n'a pas été bon. Des agents tournaient autour de nos joueurs : une sorte de pique-nique de cannibales. Notre statut professionnel, et sa disparition éventuelle, attiraient les convoitises.
2 Vous vous éloignez du Stade de France, auquel votre club avait été candidat...
Nous avons été bien naïfs dans cette histoire de candidature virtuelle. Nous étions l'instrument du ministère, qui nous a jetés dans les bras de Jean-Claude Darmon, de Robert Louis-Dreyfus et du groupe Bouygues. Pourquoi avons-nous accepté ? Pour des promesses non tenues et, finalement, un refus bizarre de la Direction nationale de contrôle de gestion qui examinait le dossier.
Le projet et notre budget de 40 millions de francs que nous présentions tenaient la route. Certains, manipulés par des conseillers zélés du ministère, ont voulu faire croire que je bluffais.
3 On a dit que vous vous accrochiez à votre fauteuil de président...
J'en ai marre de porter le chapeau. Tout cela a été monté de toute pièce par le service de communication du ministère, pour me déstabiliser. On m'a même proposé de l'argent pour quitter mon poste. Je dérangeais.
Un an après, je suis mis en examen -pour abus de biens sociaux dans le cadre de l'affaire de la banque Althus finance, une des filiales du Crédit Lyonnais-. Un président mis en examen, ce n'est pas "bon chic bon genre". Et puis cette année, Noël Le Graët, de façon étonnante, propose de reprendre le club. Aujourd'hui, je fais un bras d'honneur à cette candidature. On va rebondir.
Propos recueillis par Etienne Labrunie
"A L'HORIZON 2000 , le Red Star doit devenir le deuxième club majeur de la région parisienne." La formule était signée Jean-Claude Bras, le président du club de Saint-Ouen, en mai 1998. Il défendait alors le dossier de candidature du Red Star comme club résident au Stade de France. "Le championnat de France amateur finalement, c'est peut-être un bien, ça va nous permettre de repartir sur des bases saines", dit le même aujourd'hui. Trois saisons et deux relégations séparent ces discours. Le club, un des pionniers du professionnalisme (en 1932), a disputé et gagné, vendredi 18 mai, son dernier match professionnel face à Louhans-Cuiseaux (5-2), au stade de Marville, à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), à l'occasion de l'ultime journée du championnat national.
"C'est une saison totalement ratée, loin de l'objectif affiché, la montée en Division 2, et qui s'est passée dans un environnement détestable", résume l'entraîneur Pierre Repellini. L'ancien Stéphanois, destitué seulement dix-huit jours après le début du championnat et rappelé en février "pour l'opération maintien", refuse de s'étendre sur le climat délétère régnant dans le groupe professionnel : "Si le président veut en parler..." L'attaquant belge Patrick Van Kets, trente-quatre ans, lui, veut bien s'exprimer à ce sujet : "On ne s'entendait pas du tout entre joueurs. Je n'ai jamais connu une ambiance pareille. Il y a des choses qui se sont passées dans les vestiaires, plusieurs bagarres... C'était chaud." Quant au président, il reste laconique : "L'ambiance familiale a toujours été la force du club. Pas cette année."
Le "patron" préfère parler d'erreur stratégique et collective : "Depuis trois ans, nous avons voulu aller trop vite en recrutant des joueurs à l'extérieur, loin de notre politique de formation." L'ancien postulant au Stade de France, dont le budget atteignait 30 millions de francs grâce, notamment, aux recettes engrangées après sa demi-finale en Coupe de la Ligue en 2000, a cette saison encore tenté un "coup" en enrôlant l'international irlandais Tony Cascarino. L'ancien buteur de l'OM et de Nancy, dont le salaire mensuel d'environ 100 000 francs, était assuré par un des partenaires financiers du club, a quitté le Red Star après trois matches, débarrassé de ses dix kilos superflus. Une erreur de casting au cœur du débat.
"Ceux qui ont recruté cette année sont vraiment des nuls", lance un supporteur. La personnalité du président cristallise les critiques : "Jean-Claude Bras, fossoyeur du club, doit partir", proclame un site Internet de supporters qui appelle "à la dissolution du président". Si celui-ci reconnaît la nécessité d'une "autocritique collective", il affiche sa confiance. "Ce n'est pas un drame", insiste-t-il avant d'enchaîner sur quelques bonnes nouvelles :"Les équipes de jeunes flambent dans leurs différents championnats."
Le club centenaire, fondé par Jules Rimet en 1897, puisera de nouveau dans son vivier. La qualité de sa formation lui a valu de signer un partenariat lors de la saison 1999-2000 avec Saint-Etienne. Les Foréziens allouaient une subvention de 3,5 millions de francs contre une priorité sur l'embauche des pensionnaires du centre. "Après l'affaire des faux passeports, Alain Bompard a dénoncé le contrat, ça lui a pris comme ça", raconte Jean-Claude Bras. "Il paraît que cet accord était trop en notre faveur."
La principale conséquence de cette faillite sportive reste la perte du statut professionnel. La société anonyme d'économie mixte (SAEM) Red Star 93 va laisser place à une société anonyme sportive professionnelle (SASP). Le club continuera à percevoir la subvention de 5 millions de francs du conseil général de Seine-Saint-Denis. Le reste du budget proviendrait de la vente des joueurs.
Pour constituer son effectif, le club jonglera avec quatre contrats fédéraux d'un an, ainsi que des propositions de reconversion et d'apprentissage. Quoi qu'il en soit, la descente ne remettra pas en cause les 150 emplois jeunes, regroupés dans l'association Red Star emploi.
Jean-Claude Bras a récemment tenté un dernier coup : un rapprochement avec l'US Créteil (D2), le club d'Alain Afflelou, "Juste une discussion entre potes",assure le président audonien. L'heure est à la morosité du côté de Saint-Ouen. Une éclaircie est venue du conseil municipal, il y a quelques jours : le vote d'une subvention de 2 millions de francs pour la remise en état de l'antique stade Bauer. Le quintuple vainqueur de la coupe de France (1921, 1922, 1923, 1928, 1942) avait quitté son enceinte fétiche en 1998. On ne devrait jamais quitter Bauer.
Et. L.