Même si l'association Sportive de Saint-Etienne (A.S.S.E.) est née véritablement en 1933, la création du club remonte à 1919, lorsque une section football est créée au sein de la société des magasins Casino. Dès le début, la couleur verte est adoptée, la couleur de Casino. Dès son apparition en 1933, dans le championnat, Saint-Etienne échoue d'un rien pour la montée (devancé par Alès). Ce n'est qu'en 37-38 en écrasant Tourcoing (7-2) à Geoffroy Guichard que les Verts obtiennent le droit d'évoluer dans l'élite.
Le financier du groupe Casino, Pierre Guichard recrute (4ème dès la première saison en D1) beaucoup de joueurs étrangers (des Britanniques, Hongrois, Suisses ...), mais aussi des valeurs sûres du football français : Marcel Langiller (ex-Audonien), Roger Rolhion, Max Charbit, des jeunes Jean Snella, Pierre Garonnaire (ces deux derniers noms marqueront l'histoire du club du
Forez). La période de la seconde guerre mondiale met un frein au développement du football dans cette citée minière.
A la Libération, l'A.S.S.E. recrute, Kader Firoud, Antoine Cuissard... En 45-46, les Verts échouent pour un rien pour le titre, devancés par le L.O.S.C.. Puis une période de disette commence, les caisses sont vides. Une nouvelle politique est impulsée, place aux jeunes avec comme entraîneur Jean Snella, mais également pour emmener la nouvelle génération verte, un
international hollandais Kees Rijvers. En 1957, la première consécration, Saint-Etienne est champion de France de D1 (Abbes, M. Tylinski, R. Tilinsky, Wicart, Domingo, Ferrier, Olesiak, Mekloufi, Njo- Léa, Rijvers, Lefèvre). Pierre Garonnaire devient le recruteur, il fait signer un jeune joueur du Cavigal de Nice : Robert Herbin (voir photo).
La première appartion en Coupe d'Europe se solde par une élimination devant les Glasgow Rangers.
L'A.S.S.E. rentre dans le rang, malgré une finale de Coupe de France en 1960, défaite devant Monaco (2-4 après les prolongations). En 1961, Roger Rocher, devient le président du club.
Mauvais et bon début pour monsieur Rocher, la descente en D2 et la Coupe de France 62.
Pour cette finale face à Nancy, les Stéphanois ne se moblisent pas, quelques dizaines sont descendus du Forez à Colombes. Et miracle à la 86ème minute, Jean-Claude Baulu, un joueur natif de la Région Parisienne offre le trophée aux Verts (Abbes, Casado, R. Tylinski, Sbaiz,
Herbin, Domingo, Baulu, Guillas, Liron, Ferrier, Olesiak). Saison 62-63, sous la direction de Wicart, l'ancien champion de France, les Stéphanois se promènent en D2, trois défaites. Le Red Star s'accroche à Saint-Ouen (1-1), mais explose à Geoffroy-Guichard (6-2). Les Verts réussissent même à franchir, un tour de la Coupe des Coupes, en éliminant Sétubal (Portugal) avant d'échouer devant Nuremberg. Rachid Mekloufi est revenu, les jeunes gagnent la Gambardella.
Pour le retour dans l'élite, le gardien international de Nîmes Pierre Bernard rejoint Saint-Etienne. Saison 63-64, à la surprise générale, les promus sont champions de France. Un
tournant pour le football français, le début de l'apparition au sommet de Saint-Etienne et la fin pour le Racing, mais aussi Reims. Les champions se nomment : Bernard, Cassado, R. Tylinski, Polny, Foix, Ferrier, Salem, Herbin, Guy, Mekloufi, N'Doumbé, sous la conduite de Jean Snella, redevenu entraîneur. L'année suivante est un échec, élimination en Coupe d'Europe par la modeste
formation suisse de La Chaux-de-Fonds, malgré l'arrivée de François Heutte et Maryan Wisnieski. Deux années de transition, la capitale du football s'appelle Nantes. Robert Herbin participe à la Coupe du Monde 1966 en Angleterre. La première époque se termine, le phénomène vert va se construire.
Le 5 décembre 1965, le Red Star, bon dernier de D1, avec 10 points en 17
journées reçoit Saint-Etienne, 5ème du classement, des Stéphanois en pleine forme qui viennent de passer un 5-1 à Valenciennes, second du classement derrière Nantes.
Près de 10000 personnes sont présentes, ce dimanche après-midi au stade municipal de Saint-Ouen. Une classe sépare les deux équipes, d'un côté un tandem souverain : Herbin-Mekloufi et de l'autre un jeune joueur démontre sa classe : Jean-Claude Bras, auteur du but audonien. Le Red Star évolue avec son maillot blanc à rayures vertes et Saint-Etienne en vert.
Le Red Star aligne : Dantheny, Jecker, Manzano, Simon, Pérez, Novarro, Oriot, Munoz, Bras, Jarra, Moy. Entraîneur : Avellaneda.
La formation de Saint-Etienne, entraînée par Jean Snella est la suivante : Bernard, Sbaiz, Barek, Mitoraj, Jacquet, Polny, H. Revelli, Herbin, Wisnieski, Mekloufi, N'Doumbé.
Cinq buts à un sur terrain adverse (à Saint-Ouen), ce n'est pas un exploit à
la portée de toutes les équipes. Mais il faut immédiatement ajouter que peu de formations françaises possèdent un joueur de la classe de Mekloufi et un autre joueur Herbin capable d'être son complément parfait, que peu d'équipes aussi constituent un faire-valoir aussi accomplit que le Red Star actuel. La qualité majeure de l'international algérien est un sens extraordianire du
contre-pied dans la passe. Celle de l'international français un sens rare de l'exploitation de ce type de passe. Comme le jeune Revelli est un aillier très complet capable de déborder individuellement mais aussi de participer très intelligemment au jeu collectif, que Winieski a progressé sous ce dernier rapport et que N'Doumbé est égal à lui-même, l'équipe stéphanoise
dispose d'une division offensive de cinq joueurs aussi habiles dans la préparation que décidés dans la réalisation.
Trois des cinq buts marqeés par elle furent de belle venue. Le premier (14ème minute) s'inscrivit comme le résultat d'un une-deux Revelli-Mekloufi, oł l'on admira la splendide remise de Mekloufi. Le second (25ème) signé Herbin fut la conséquence d'un renversement de jeu de Mekloufi. Le cinquième (75ème) fut obtenu par Herbin au terme d'un bon mouvement Mekloufi-Revelli. Dans les deux autres réalisations stéphanoises, la part de la chance (ricochet sur le corps d'un défenseur audonien d'un tir de coup franc de Mekloufi (56ème) et la part
des erreurs de position de la défense audonienne (passe de Mekloufi à Herbin à la 72ème minute). furent plus évidentes.
Le bilan offensif stéphanois paraîtrait donc très brillant si l'on négligeait un premier élément essentiel, qui est la très grande perméabilité de la défense du Red Star, attestée à ce jour par un passif total de 46 buts. La valeur des joueurs composant cette défense n'est pas en cause, Jecker notamment fit d'excellentes choses, mais le système qu'ils appliquent. Opérer en position avancée est bien, mais se refuser à utiliser le hors-jeu est une erreur fatale lorque l'on joue à quatre défenseurs. Jamais une défense à quatre utilisant le hors-jeu n'aurait été surprise par le renversement de jeu de Mekloufi sur le deuxième but et par la passe de Mekloufi à Herbin sur le quatrième but. Nous avons félicité Avellaneda quand il a abandonné le béton, mais appliquer le 4-2-4 sans utilisation du hors-jeu est une demi-mesure qui coûte cher.
A Saint-Etienne, Snella a tenté de résoudre le problème défensif par l'adoption du béton. Sbaiz évolue en couverture très en retrait. Polny, Mitoraj, Jacquet et Barek assurent le marquage individuel des quatre avants adverses de pointe. L'efficacité du système est loin d'être garantie, car si Herbin et Mekloufi se replient alternativement pour chercher des balles au
milieu du terrain, ils tiennent très rarement le rôle de véritables défenseurs. livrés à eux-mêmes, les cinq défenseurs sont souvent en état d'infériorité numérique et perdent aisément le contrôle de leurs nerfs. Si la division offensive du Red Star, qui eut le ballon plus souvent que sa rivale,avait recherché le débordement par les ailes, au lieu de s'enferrer sur le
centre, l'excellent Bernard aurait connu des alertes plus graves. Le jeune Bras, qui s'affirme de plus en plus comme un attaquant de classe, fut le seul à tromper à la suite d'un corner (31ème minute), mais nul doute que Bernard aurait connu d'autres déboires si le jeu offensif du Red Star avait été orienté vers les points plus vulnérables de la défense stéphanoise. Saint-Etienne aura vraisemblablement dans l'avenir peu d'occasions de rencontrer un défense aussi ouverte que le Red Star, et une attaque aussi dépourvue de confiance en ses moyens. Alors apparaîtront de nouveau les lacunes d'un système collectif que masquent comme dimanche la grande valeur de ses cinq attaquants, et surtout les intuitions géniales de Mekloufi.
Article paru dans Miroir-Sprint du 6 décembre 1965.
Gérard Valck