RED STAR 69-70
Debout : Mouthon, Bacquet, Monin, Ahache J. Laudu, Baton.
Accroupis : Vergnes, Herbet, Farias (cap.), Milosevic, Gomez
Au début des années 70, dans un mensuel qui a cessé de paraître, une enquête avait été faite sur les clubs parisiens.
Bien sûr, le Red Star figurait en bonne place, il était le représentant de la D1, le Paris FC arrivait.
Il faut remarquer que le journaliste, Gabriel Hanot avait vu juste … le Red Star est le Red Star à une seule condition de jouer à Saint-Ouen.
Les difficultés accumulées ces dernières saisons démontrent que plus que jamais le retour à Saint-Ouen est urgent.
En 1947, lors du cinquantenaire du club, Gabriel Hanot (grand journaliste et à l'origine de la Coupe d'Europe des clubs) écrivait :
"Le RED STAR, C'EST SAINT-OUEN. Tant qu'il y aura Saint-Ouen, il y aura le Red Star. Le Red Star manquerait au football de Paris et de France, si le sport perdait le terrain d'où l'on voit la Butte Montmartre".
Cette phrase, vieille de vingt-trois ans, n'a rien perdu de sa brûlante actualité. Tout le monde connaît l'histoire des "clubs parisiens". Tout le monde sait aussi qu'un seul club, malgré les tempêtes et les lourdes charges qui accablent le professionnalisme, a résisté : le vieux Red Star.
Ce vieux club prestigieux, au nom mondialement connu est actuellement le seul club à avoir la responsabilité de représenter le football parisien en Championnat de France professionnel. Depuis 38 ans, il courbe le dos mais ne demande pas grâce. Tout pourtant était bien parti en 1920*, date de la création de la section football. D'entrée le Red Star se couvrit de gloire et empocha, haut la main, trois Coupes de France consécutives en 1921,1922, 1923. Les Chayriguès, Meyer, Gamblin, Marion, Hugues, Bonnardel, Bourdin, Brouzes, Paul Nicolas, Naudin, Clavel, Joyaut, Cordon, Deydier, Sentubéry s'en donnèrent à cœur joie, tandis que les dirigeants se débattaient dans déjà dans des difficultés financières quasi insurmontables.
Avant hier Amical, hier Olympique, aujourd'hui Football Club mais toujours Audonien, le Red Star s'engagea dans le professionnalisme avec l'enthousiasme communicatif de ses dirigeants et de ses joueurs. Du regretté président Jules Rimet au président actuel, Gilbert Zenatti qui n'a jamais voulu mettre les clés sous la porte depuis sa nomination, en 1952, malgré tous les avatars qui s'abattirent sur son club, le Red Star a profondément marqué de son empreinte plusieurs pages de la "Belle époque" du professionnalisme.
Pourtant aussi paradoxal que cela puisse paraître, le Red Star n'a jamais possédé une très grande équipe professionnelle ! Certes, il y eut des saisons exceptionnelles qui permis à Julien Darui et ses coéquipiers d'enlever la Coupe de France 1942 ou celle de 1946 qui permit aux Bersoullé, Leduc, Aston, Simonyi, Nuevo de tomber fièrement en finale devant l'ogre Lillois.
Mais la caractéristique essentielle du club audonien fut toujours d'être trop "costaud" pour la division II et trop "juste" pour la division I ! Si bien que le Red Star fut contraint à maintes reprises de prendre l'ascenseur, depuis 1932 …
DANS L'ASCENSEUR
Pierre Curien, directeur du stade de Paris à Saint-Ouen (ce stade vétuste mais au cachet indéfinissable) se souvient de cette époque folklorique et rappelle avec humour les premiers pas d'une équipe obligée de jouer sur un "champ de patates" :
"En 1929, les deux tiers du terrain étaient occupés par 101 locataires qui cultivaient des lopins de terre. Certains y avaient même élu domicile. Depuis la première guerre mondiale, logements et légumes étaient protégés par la loi. La lutte entre les 101 locataires et le Red Star fut homérique. Nous en sortîmes victorieux au bout d'un an".
Le stade de Paris fut inauguré par les gracieuses élèves d'Irène Popard. Il en a conservé l'empreinte. C'est ainsi que les jours de grande rencontre, son cadre, si peu attirant, disparaît pour faire place à une arène lumineuse où l'harmonie des gestes soulève l'enthousiasme de ceux qui, pour un moment, viennent oublier la grisaille de la vie quotidienne.
Tout était prêt à temps pour débuter dans le championnat professionnel. Le premier match eut lieu le 11 septembre 1932 contre Antibes qui gagna sur le score de trois buts à deux. Les deux buts parisiens furent réussis par Edwards et Segaux.
Avaient disputé ce premier match historique :
Thépot, Brouzes, Mairesse, Pawlack, Chantrel, Poirier, Aston, Bertrand, Edwards, Fenamore, Segaux. Diaz était remplaçant. Un seul détenteur de la Coupe de France faisait partie de l'équipe : l'international Brouzes, six fois sélectionné en Equipe de France. Le Red Star termina huitième de ce premier championnat, remporté par Antibes dans le groupe B.
De gauche à droite : Pawlack, Benes, Cazal, Bour, Mairesse, Thépot et Chantrel, lors de Red Star – Antibes, le 11 septembre 1932 au stade Elisabeth de la Porte d'Orléans à Paris.
Il y avait à l'époque, au Red Star, beaucoup d'internationaux étrangers, la plupart venant d'outre-manche tels les Edmunds (Ecosse), Turley (Ecosse),mais aussi d'Amérique du Sud comme Fenamore (Uruguay), Diaz (Uruguay), Stabile (Argentine) et bien sûr de l'Europe centrale tels Sas (Hongrie), Acht (Hongrie). Le Red Star était très cosmopolite. La Coupe de France fut toujours un des grands objectifs du Red Star. Un club populaire devait en effet mettre tout en œuvre pour obtenir cette récompense suprême, cette épreuve si populaire ! En 1946, alors que la France était enfin libérée, le Red Star garnissait encore son palmarès avec une qualification pour la finale, à Colombes, en retrouvant une nouvelle fois le grand L.O.S.C.. Quelques heures avant le match, les Audoniens goûtaient un repos et une concentration indispensables. Aston, qui était un redoutable pêcheur à la ligne, était au moment du départ, en train de "taquiner le goujon". Il fit attendre dix secondes le chauffeur du car et ferra un brochet de cinq livres ! C'était de bonne augure avant la finale … Tempowski, Bihel et Vandooren se chargèrent d'enlever toute illusion aux Audoniens. Mais Aston, lui, n'avait pas tout perdu ! Depuis 1952, le Red Star se débat dans de graves crises financières, et malgré la valeur des joueurs, Hughes, Eschmann, Lamy, Daniel, Mellberg, Lehtovirta, Quenolle, Amalfi, Kosa, il n'arrive pas à remonter la pente savonneuse dans laquelle il s'est laissé glisser. LE STADE : il est vieux, désuet, peu accueillant, guère confortable. la Municipalité ne peut l'améliorer que si le public vient plus nombreux : pour l'heure, il lui paraît suffisant.
LA CENTRALISATION DES JOUEURS : mis à par l'entraînement, les joueurs sont livrés à eux-mêmes, en raison des difficultés à trouver des domiciles groupés.
SAINT-OUEN, C'EST SAINT-OUEN : depuis l'abandon du Racing et la disparition du Stade de Paris (ex Stade Français), Saint-Ouen n'a pas gagné un spectateur supplémentaire. Ce n'est pas la même clientèle. Les gens sont trop habitués au parc des Princes et les accès à Saint-Ouen sont rebutants pour les automobiles.
Fort heureusement le public de Saint-Ouen, s'il n'est plus consistant que par le passé, n'a jamais été infidèle. C'est toujours le même noyau de supporters qu'on rencontre dans ce club de la banlieue parisienne. Dans le contexte actuel, bien de l'eau coulera sous les ponts de la Seine avant d'établir un nouveau record d'affluence. Ce dernier date de … 1935 : Red Star – Sochaux avec 23 300 spectateurs payants ! * Concernant cette date, nous sommes sceptiques, car la section football date de 1897.
Condamné à descendre en Division II en 1933, le club parisien devenait la saison suivante champion de Division II (groupe Nord). Commençait alors le singulier trajet du Red Star fait de progression spontanée et d'arrêts brutaux.
En 1936-1937, le Red Star "vivotait" en Division I au moment de l'arrivée d'André Simonyi qui allait avec Aston, un des "pionniers" de 1932, constituer une aile droite dont la réputation déborda largement les frontières de notre pays. Ces deux grands joueurs firent alors la joie du public, mais ne purent empêcher le Red Star de redescendre en division en 1937-1938. Une nouvelle fois, le Red Star redevint champion de Division II. les joueurs avaient pour noms cette fois : Hatz, Lorentz, Schawartz, Meuris, Tarrio, Gnaoui, Moulet, Simonyi, Fruleux, Scopelli, Iliano. C'était reparti …
Hélas, la seconde guerre mondiale vint mettre un frein à l'enthousiasme qui régnait dans les cœurs. Poursuivant son paradoxe, le Red Star allait en réalité occuper le haut du pavé sous l'occupation. De jeunes joueurs, peu connus à l'époque, mais qui allaient irrésistiblement se faire un nom, redonnèrent au club audonien un éclat terni depuis plusieurs années.
Ils s'appelaient : Darui, Herrera, Roessler, Meuris, et Simonyi les anciens, Braun, Sergent, Bersoullé, Joncourt, Vandevelde et Aston revenu au club. En 1942, ils allaient remporter brillamment la Coupe de France aux dépens du F.C. Sète, autre grand club prestigieux, disparu comme le L.O.S.C. …
Pierre Curien rassemble encore, pour nous, ses souvenirs et nous rappelle qu'un an plus tôt, après la finale de la coupe perdue devant Bordeaux, Roessler avait fait une jaunisse parce qu'il n'avait pas digéré la défaite !
LE BROCHET D'ASTON
Deux ans plus tard, le Red Star était condamné à descendre en Division II … C'est une période noire pour le club audonien : les caisses sont vides, les spectateurs rares, les performances pratiquement inexistantes. C'est en 1948 une fusion avec le Stade Français qui n'apporte pas le "déclic" espéré. Cette fusion ayant été suspendue, il réintègre le professionnalisme en 1953, en seconde division, dans laquelle il restera malgré une place de second en 1954-1955 dont il ne put profiter à la suite de ce qu'on appela la première affaire du Red Star (l'affaire Schoenhenzel). C'est une nouvelle période noire pour le club : Gilbert Zenatti, qui avait pris les rênes du club en 1952 cède sa présidence. Il reviendra quelques saisons plus tard.
En 1959-1960, c'est la seconde affaire du Red Star (l'affaire Somlay) qui est exclu du professionnalisme. Il y reprend rang en 1961-1962 et Jean Avellaneda, le nouvel entraîneur calme, pondéré, patient redonne un coup de fouet au club déclinant : grâce à une seconde place en 1964-1965 (derrière Nice), le Red Star remonte en Division I où il retrouve avec joie les clubs prestigieux comme Nantes, Bordeaux, Saint-Etienne et consorts. Groschulski s'est taillé la part du lion et est sacré meilleur buteur de Division II avec 22 buts.
Une nouvelle fois, on craint au miracle. Il est de courte durée : un an. Il faut attendre la fin de la saison 1966-1967 pour que le Red Star revienne au premier plan, par moyen interposé : Toulouse, le club du président Doumeng fusionne avec le R.S.O.A., le nouveau club s'appellera désormais le Red Star F.C..
Avec la phalange toulousaine (Mouthon, Monin, Cros, Ahache, Richard, Le Donche, Soukane) et l'ancien stéphanois Pierre Bernard, le Red Star se maintient cahin-caha.
On a toujours accusé le Red Star de n'avoir pas beaucoup d'ambitions. C'est vrai et les dirigeants audoniens ne s'élèvent pas contre ces propos. Il est difficile de vivre dans le professionnalisme. On y vivote. Club populaire, le Red star a toujours vécu sur sa renommée d'avant-guerre, les "vieux" ont laissé au stade de Paris une trace indélébile. Le Red Star a marqué Saint-Ouen et le 18ème arrondissement, mais n'a jamais pu, par la force des choses, frapper aux autres portes de Paris. A ceci, plusieurs raisons :
La belle époque … avec les Gonzales, Ortin, Stenberg, Gougain, Meuris, Chantrel, Aston, Simonyi, Destouches, Janin, Delandy !
Pour vivre décemment, il faudrait au Red star une moyenne de 10 000 spectateurs par match, ce qui est loin d'être le cas à l'heure actuelle. Mais, malgré toutes les difficultés, de plus en plus grandes, Gilbert Zenatti "tient le coup" et ne se contente pas du noyau de fidèles.
Saisi par l'opération récemment menée par le Paris Football Club, il va organiser une "opération supporters" à Saint-Ouen. Quand bien même l'avenir du professionnalisme en France serait-il sombre, il n'entend pas céder au découragement et espère même qu'avec la naissance du Paris F.C. une saine émulation va naître.
Le Red Star, malgré vents et marées, tient depuis 1932, il peut tenir encore
G. Valck